Accroître notre potentiel

Solutions pratiques aux problèmes des étudiants de niveau postsecondaire

Mémoire de

l’Alliance canadienne des associations étudiantes

au

Comité permanent des finances de la Chambre des communes

Le 12 août 2011

Sommaire

Pendant des années, le Canada s’est fié à son système d’enseignement postsecondaire pour produire des citoyens hautement compétents, spécialisés et possédant les connaissances voulues pour garder son économie forte. L’Association canadienne des associations étudiantes estime que la prospérité future du Canada est directement liée à la réussite scolaire actuelle des étudiants de niveau postsecondaire.

Les jeunes comprennent qu’étant donné le vieillissement de la population, les services sociaux subiront des tensions accrues pendant les années à venir. De plus, en raison du nombre grandissant de départs à la retraite de Canadiens, la pénurie de main-d’œuvre représentera une tendance économique qui se maintiendra pendant des décennies1]. De plus en plus, le Canada a besoin que chaque membre de la population active augmente sa productivité. La présente génération doit avoir à sa disposition dès maintenant les ressources nécessaires pour remplir cette exigence.

Si le Canada effectue des investissements dans l’enseignement supérieur dès maintenant, il pourra tirer avantage de sa position économique solide, maintenant dans l’avenir sa qualité de vie et sa compétitivité sur la scène internationale. En veillant à financer suffisamment le système postsecondaire, le gouvernement favorisera l’amélioration des compétences des diplômés canadiens. Il envoie à la population vieillissante, aux générations futures et au monde entier le message que le Canada est déterminé à conserver sa prospérité.

La position de l’ACAE tient compte des difficultés auxquelles font face les plus de 320 000 étudiants qu’elle représente. Elle tient aussi compte des réalités fiscales actuelles et elle prévoit les tendances économiques et sociales. Dans leur ensemble, ces recommandations visent à favoriser une participation accrue aux études postsecondaires. Elles ont aussi pour objectif de garantir que chacun des étudiants qui fréquentent un collège ou une université bénéficie du soutien financier dont il a besoin pour réussir.

L’ACAE recommande :

  • Que le gouvernement autorise qu’une voiture du demandeur soit exemptée de l’évaluation des biens de l’emprunteur aux fins du Programme canadien de prêts aux
  • Que le gouvernement abolisse le plafond de 2 % imposé à l’égard de l’augmentation des fonds consacrés au Programme de soutien aux étudiants du niveau postsecondaire (PSENS) d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) dans le budget 2012. Ce programme devrait fournir une aide financière à tous les apprenants des Première nations et des apprenants inuits admissibles en fonction des coûts réels payés pour les frais de scolarité, les déplacements et les frais de
  • Que le gouvernement modifie la Loi sur le droit d’auteur afin d’abroger l’article 27.1, qui interdit l’importation parallèle de livres de distributeurs étrangers.

Modernisation de l’évaluation des besoins du PCPE

L’exactitude du calcul des besoins est essentielle au bon fonctionnement d’un modèle d’aide financière aux étudiants. Vingt et un pour cent des étudiants du Canada ont des besoins élevés non comblés : l’écart annuel entre l’aide financière que leur accorde le gouvernement et le coût de leurs études dans la pratique s’élève à plus de 1360 $. Le montant moyen des besoins non comblés dans les neuf provinces qui participent au Programme canadien de prêts aux étudiants est de 3437 $2].

Les réalités avec lesquelles les étudiants doivent composer actuellement exigent des ressources financières accrues. En raison des frais à la hausse, des dépenses pour le matériel qui augmentent rapidement et du coût élevé de la vie, il sera difficile de recruter un plus grand nombre d’étudiants sans leur offrir une aide financière complète. Étant donné le lent rétablissement du marché de l’emploi étudiant, les étudiants disposeront de ressources moins généreuses que celles dont ils ont bénéficié il y a trois ans3].

Le Programme canadien de prêts aux étudiants s’attend à ce que des familles vendent un bien essentiel à la fréquentation scolaire pour couvrir le coût des études. L’un de ces biens est une voiture. Le programme utilise actuellement pour ses calculs le coût d’une voiture moins 5000 $, somme qu’il soustrait du montant d’argent auquel un étudiant a droit. Il utilise cette formule malgré le fait que le prix médian annoncé par les vendeurs privés pour une voiture d’occasion est de 11 400 $4].

De nombreux étudiants, particulièrement ceux des banlieues et des régions rurales, ont tous les jours besoin d’une voiture pour se déplacer de la maison à leurs cours et au travail. Le système de transport en commun est souvent inefficace dans ces régions; une voiture fiable est donc essentielle à la participation à des études postsecondaires. Seulement 31 % des étudiants du Canada Atlantique, mais 49 % des étudiants de la Colombie‑Britannique, utilisent une voiture pour se rendre à leurs cours. Le plafond de 5000 $ quant à l’exemption pour une voiture a été établi en 2001 et n’a pas été revu depuis en fonction des conditions courantes[5].

L’ACAE recommande donc :

Que le gouvernement autorise qu’une voiture du demandeur soit exemptée de l’évaluation des biens de l’emprunteur aux fins du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Accès des membres des Premières nations et des Inuits aux études postsecondaires

L’éducation des membres des Première nations et des Innu du Canada constitue un élément à part entière de la réussite économique durable, du développement culturel et de la création de collectivités fortes. Le gouvernement devrait se fixer comme priorité d’encourager l’épanouissement de ce groupe dynamique en pleine croissance. La présentation d’excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens et l’acceptation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones constituent des premiers pas valables, mais il reste d’importantes questions à régler.

Depuis qu’un plafond de 2 % a été imposé à l’égard de l’augmentation des fonds consacrés au Programme de soutien aux étudiants du niveau postsecondaire (PSENS) en 1996, le nombre d’étudiants des Premières nations effectuant des études postsecondaires a diminué de 9 %, passant de 26 493 à 24 316 en 2007[6]. Le coût de la fréquentation d’un collège ou d’une université a dépassé les hausses de l’aide financière du Programme; cet écart a contribué à l’absence des campus d’un nombre accru d’étudiants des Premières nations et d’étudiants inuits.

La population autochtone du Canada a augmenté de 322 % entre 1971 et 2001, tandis que la population non autochtone n’a augmenté que de 37 %. De plus, une forte proportion de la population autochtone est maintenant d’âge scolaire. La moitié des Autochtones ont moins de 25 ans, tandis que le tiers ont moins de 14 ans7].

Selon les dernières données de recensement disponibles, le taux de chômage des membres des Premières nations reste presque trois fois supérieur à celui des non Autochtones et le salaire médian des membres des Premières nations est de 17 % inférieur à celui des autres Canadiens[8]. Cet écart s’explique entre autres de la façon suivante : il y a pour chaque membre des Premières nations qui fréquente l’université près de quatre personnes non autochtones qui fréquentent un établissement universitaire[9]. De plus, les salaires médians de la population autochtone continuent d’être inférieurs à ceux des autres Canadiens[10]. Il est essentiel que le gouvernement mette en place des programmes de financement efficaces favorisant la réussite scolaire afin de combler l’écart. Le PSENS est un programme solide qui verse de l’argent aux conseils de bande pour le financement des études postsecondaires, mais ses ressources sont très limitées.

La modification à la politique que nous proposons sera très avantageuse non seulement pour les populations des Premières nations, mais aussi pour l’économie et pour tous les autres Canadiens. L’investissement dans l’éducation des Première nations pourrait entraîner, selon les prévisions, une hausse des recettes fiscales de 3,5 milliards de dollars par année et une baisse des dépenses gouvernementales de 14,2 milliards de dollars[11].

L’investissement de ressources financières dans le développement de compétences autochtones au cours des dernières années constitue un bon départ. Toutefois, le taux de croissance insuffisant du financement du PSENS continue de poser un problème. La croissance de la population autochtone a rapidement mis en échec le modèle de financement du programme et elle a entraîné une baisse inacceptable de l’accessibilité.

L’administration constitue un autre enjeu auquel doit faire face le programme. Les conseils de bande ne disposent pas d’un budget de gestion suffisant pour payer le coût de l’emploi d’un coordonnateur permanent des études postsecondaires. De nombreuses bandes doivent donc se passer des services d’un coordonnateur et ne désigne aucune personne chargée d’optimiser l’utilisation du PSENS et des autres programmes d’aide financière comme le Programme canadien de prêts aux étudiants. Si une bande désirait utiliser les fonds du PSENS à des fins administratives, Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) considérerait ce cas comme une mauvaise utilisation des fonds.

L’ACAE recommande donc :

Que le gouvernement abolisse le plafond de 2 % imposé à l’égard de l’augmentation des fonds consacrés au Programme de soutien aux étudiants du niveau postsecondaire et qu’il prévoie une hausse du financement afin de tenir compte du coût réel des études postsecondaires et de la situation de la population qui désire effectuer ces études. Le gouvernement devra à cette fin engager des dépenses de 318 millions de dollars au cours de l’exercice 2012‑2013. Une clause d’échelle mobile prévoyant une hausse annuelle de 5,6 % garantira la suffisance des fonds programme pour les années à venir. De plus, un budget pour l’exécution du programme fixé à 10 à 15 % de la valeur totale de l’aide financière fournie au PSENS pour couvrir les coûts administratifs estimés à 31 à 47 millions de dollars constitue un élément essentiel à l’efficacité du programme.

Un marché libre pour le matériel pédagogique

Le matériel pédagogique est essentiel à l’enseignement et à l’apprentissage. Il s’impose d’envisager cette dépense dans le calcul du coût de l’inscription à un programme d’études postsecondaires. Pour obtenir les meilleures retombées possibles du système d’éducation postsecondaire, il faut garantir l’accès à des ressources et à du matériel de qualité.

On entend souvent dire que les manuels scolaires sont coûteux. On entend toutefois rarement préciser que leur prix a augmenté de plus de 280 % au cours des 15 dernières années12]. La hausse du prix des manuels scolaires a dépassé le cours normal de l’inflation. Pendant la même période, l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 22 %.

Les règlements en vigueur encouragent cette exagération des prix. Les importateurs de livres se voient accorder le droit exclusif d’importer un livre pour lequel il existe un droit d’auteur canadien et ils sont autorisés de façon explicite, par règlement, à ajouter de 10 à 15 % au prix de vente, selon le pays d’origine.

Bien que cette mesure protectionniste ait été créée pour protéger un marché national pour les petits éditeurs et distributeurs canadiens, elle a produit l’effet contraire. Les distributeurs canadiens ont échoué ; les sociétés déménagent aux États-Unis et les intermédiaires Internet réalisent des profits de façon injuste, car ils ne sont pas visés par les mêmes règlements13]. Le gouvernement ne reçoit pas de recettes dans le cadre des échanges. Les étudiants canadiens sont donc maintenant visés par une taxe privée qui sert en grande partie à fiancer l’industrie étrangère de l’édition.

La baisse d’un point de pourcentage de la taxe sur les produits et services a permis aux étudiants d’économiser chaque année 3,75 millions de dollars sur le coût des manuels scolaires. Cette réduction a coûté au gouvernement la même somme en recettes perdues. En autorisant l’importation parallèle, le gouvernement aurait permis aux étudiants d’économiser 30 millions de dollars par année et aurait évité la perte de recettes. La libéralisation du marché aurait aussi eu pour effet d’encourager l’établissement d’un prix concurrentiel, ce qui aurait pu représenter des économies additionnelles pour les étudiants.

L’ACAE recommande :

Que le gouvernement modifie la Loi sur le droit d’auteur afin d’abroger l’article 27.1, qui interdit l’importation parallèle de livres de distributeurs étrangers.



[1] Julian Beltrame, Retirement of Baby Boomers to slow Canada’s long-term economic growth : Conference Board, 28 avril 2010. www.investmentexecutive.com/client/en/News/DetailNews.asp&cat=148

[2] Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, Le prix du savoir, quatrième édition, 2009.

[3] « En juillet 2011, le taux de chômage des étudiants s'est établi à 17,4 %, soit un taux semblable à celui de juillet 2010… » Statistique Canada, Enquête sur la population active : emplois d’été chez les étudiants, juillet 2011. http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/110805/dq110805a-fra.htm

[4] Used Car Dealers Association of Ontario, communication au sujet d’une étude nationale de plus de 700 000 voitures annoncées en ligne, 22 décembre 2010.

[5] Fred Hemingway, Assessing Canada’s Student Aid Need Assessment Policies, Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire, mars 2003.

[6] Assemblée des Premières nations, document d’information daté du 28 juin 2007.

[7] Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, Notre priorité la plus haute : l’éducation postsecondaire des Autochtones au Canada.

[8] .TD Economics Special Report, Aboriginal People in Canada : Growing Mutual Economic Interests Offer Significant Promise for Improving the Well-Being of the Aboriginal Population, juin 2009.

[9] Ibid.

[10] .http://www.td.com/economics/special/db0609_aboriginal.pdf

[11] Centre for the Study of Living Standards, The Effet of Increasing Aboriginal Educational Attainment on the Labour Force, Output and the Fiscal Balance, mai 2009.

[12] Canadian Roundtable on Academic Materials, Survey of textbook prices at the University of Alberta between 1995 and 2007.

[13] Patrimoine canadien, Accès au marché des titres d’auteurs canadiens, décembre 2009. [consulté le 9 août 2011] http://www.pch.gc.ca/pc-ch/org/sectr/ac-ca/pblctns/bk_dstrbtn_lv/dst_eng/106-fra.cfm